BAIKAL
ICE MARATHON Clean Water Preservation Run

Marathon du lac Baïkal : ils ont couru sur l’eau

Sept français, tous directeurs généraux ou cadres de grands groupes installés en Russie, ont participé le 6 mars dernier au 7ème marathon du lac Baïkal. Conçue et proposée par l’agence Absolute Siberia, cette aventure insolite démarre sur la côte orientale du lac, dans la ville de Tankhoy, et se poursuit sur la surface gelée du Baïkal pour finir, sur la côte occidentale, dans la ville de Listvyanka. La course, ouverte à tous en échange d’une participation forfaitaire de 150 euros, réunit des sportifs du monde entier—14 nationalités, notamment Colombiens, Polonais, Africains, Allemands, Russes, Japonais… —mais en petit nombre, une soixantaine en tout. Le Courrier de Russie a recueilli les témoignages de Bruno Leproux (Yves Rocher), Emmanuel Mareschal (Ernst & Young), Laurent Valroff (Dassault Systèmes) et Jean-Pierre Germain, Laurent Bruges et Franck Garrabos (Auchan).

Marathon du lac Baïkal : ils ont couru sur l’eau

Le Courrier de Russie : Comment vous est venue l’idée d’aller courir sur le Baïkal ?

Laurent Valroff : Nous courons plusieurs fois par semaine avec Emmanuel, Bruno et d’autres. Il y a trois ans, on s’est dit—alors que nous paressions au bania—qu’il fallait que nous nous prenions en mains. Depuis, nous avons fait l’ascension du Mont Blanc et un ou deux marathons par an. Le Baïkal représentait une épopée, une aventure hors du commun. Contrairement aux autres marathons, nous n’y sommes pas allés pour la performance, mais pour le challenge !

Laurent Bruges : Nous étions à la recherche d’un marathon original, différent. Nous cherchions à faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire en Russie, et courir sur le lac nous a paru vraiment improbable ! Jean-Pierre lui, n’en est pas à son premier marathon insolite : il a déjà couru dans le désert. Cette année, il va fêter son 60ème marathon, à 57 ans ! Il en fait environ 10 par an.

LCDR : Ça fait quoi de courir sur le lac le plus profond du monde ?

Emmanuel Mareschal : On ne s’en rend pas vraiment compte, en fait. On oublie qu’on est sur la glace. Sauf à l’aller, car il a d’abord fallu traverser le lac en voiture pour rejoindre la rive de départ. Des voitures sur la glace, c’est surprenant, surréaliste !

Laurent Valroff : On n’aperçoit vraiment la glace que sur les derniers kilomètres, elle devient d’un bleu très foncé. Sinon, ça ressemble plutôt à un immense champ enneigé. Mais vous croisez tout de même des brisures de glace, dues aux légers tremblements de terre qui surviennent régulièrement sous le lac. Elles sont là pour vous rappeler où vous vous trouvez !

Franck Garrabos : L’hiver raccourcit les distances, sur le Baïkal… Même si on ne les voit pas, on pense bien sûr, en courant, aux quelque 20% des ressources mondiales d’eau douce qu’on a sous les pieds.

LCDR : Cela vous a-t-il demandé beaucoup d’entraînements ?

Emmanuel Mareschal, Bruno Leproux, Laurent Valroff : Nous courons le mercredi en salle et les samedis et dimanches matin dehors, sur les quais de la Moskva-reka. Nous voulions nous habituer aux conditions du Baïkal : le froid, la neige, le vent. Mais au final, le plus difficile a été de courir dans la neige : la surface n’est pas lisse, très instable. Il a fallu adapter aussi les équipements : se munir de protections contre le vent, de lunettes, de crampons. La neige nous ralentissait, et nous n’avions jamais couru aussi longtemps. Ça a duré entre 6 et 7 heures, et à cela, nous n’étions pas préparés ! Ce sont les premiers kilomètres qui furent les plus difficiles. Les autres participants, eux, avaient l’air aguerris, de vrais pros !

Franck Garrabos, Laurent Bruges, Jean-Pierre Germain : (rires) Vous savez, ces marathons, c’est pour faire la fête, pour s’amuser plutôt que pour la performance… En réalité, nous sommes un peu une antithèse des gens qui s’entraînent ! Nous courons seulement le dimanche matin, à 8h30, entre collègues, depuis presque 10 ans : on se fait appeler les Soviet Runners ! Le plus dur au Baïkal, c’était que la neige n’était pas damée, on avait du mal à trouver des appuis, un peu comme sur du sable. On ne pensait pas qu’il y en aurait autant.

LCDR : Comment avez-vous été accueillis sur place ?

Laurent Valroff : C’était très bien organisé ! Le déroulement, le ravitaillement, l’ambiance… c’était vraiment très pro. Rien à voir avec le marathon de Moscou, si peu accueillant.

Laurent Bruges : C’était quasiment personnalisé, remarquable ! La remise des prix a été particulièrement chaleureuse. (Le premier à avoir franchi la ligne d’arrivée est un Russe, Aleksander Ulitine, 26 ans, ndlr)

Bruno Leproux : Il ne faut juste pas avoir de crise cardiaque, c’est tout ! En effet, les secours n’étaient pas vraiment au rendez-vous. À part ça, rien à redire. Ils ont beaucoup communiqué sur le respect de l’environnement et la préservation du site.

Jean-Pierre Germain : C’était plutôt ce qu’on appelle un trail, une course dans la nature. Il existe d’autres marathons insolites de ce type, dans l’Antarctique, dans le désert, etc. Celui du Baïkal n’est pas très connu, mais très bien fait. Moscou, en revanche, ne s’ouvre pas aux coureurs : elle ouvre seulement ses quais ! Même Saint-Pétersbourg offre ses routes aux marathoniens…

LCDR Qu’aviez-vous à l’esprit, en courant ?

Laurent Valroff : À vrai dire, j’appréhendais un peu. Dans un marathon urbain, le paysage change et on peut se concentrer sur l’extérieur, pour oublier les souffrances physiques. Sur le Baïkal, le paysage reste le même durant toute la course, seule la lumière change. Mais en réalité ce n’est absolument pas monotone, et le décor est époustouflant ! Ça pousse à la méditation intérieure.

Laurent Bruges : On se retrouve seul avec soi-même.

Jean-Pierre Germain : Cette épreuve met la Russie en beauté. Moi, ce genre de choses, ça me permet d’assurer le reste du temps, au travail. C’est un excellent moyen de se prouver qu’on est apte à passer régulièrement des épreuves. Si je ne faisais pas ça, je serais peut-être plus difficile à vivre !

LCDR : Seriez-vous prêts à le refaire ?

Laurent Valroff : Je ne suis pas sûr. Nous y avons participé pour l’originalité, et une répétition risquerait d’enlever le plaisir de la découverte. Mais je continuerai à courir dehors, désormais, même en hiver !

Franck Garrabos, Laurent Bruges, Jean- Pierre Germain : (unanimes) Ah bien sûr ! Et il faut encourager le maximum de gens à y participer. C’est magnifique, et c’est une super expérience à vivre en famille. Ça peut permettre de découvrir la région en hiver aussi, ce dont on a moins l’habitude.

PROPOS RECUEILLIS PAR NINA FASCIAUX