BAIKAL
ICE MARATHON Clean Water Preservation Run

Ice Marathon Siberia 2018 by Jessica

ICE MARATHON SIBERIA 2018

 
 


Ça faisait des mois que j’attendais ce moment et il est enfin arrivé…
je prends le départ du semi-marathon (21,098km!) de la 14 ème édition du Ice Marathon sur
le lac le plus profond du monde « Le Baikal ».

Au moment ou j’écris cet article je ne connais pas encore mon classement…

Je suis quand même partagée entre excitation et inquiétude… les températures prévues sur l’application météo de mon smartphone me font littéralement claquer des f….. Des dents!
Mais je suis bien équipée, 3 couches de vêtements sur le haut du corps (seconde peau, un polaire et un coupe vent), 2 couches pour mes jambes (un collant de ski, un legging), des chaussettes warm, un protège visage ne laissant apparaître que mes yeux un masque de ski (une braqueuse quoi…), des gants en soie & des moufles avec le visage enduit de vaseline… ça devrait suffit pour affronter le climat Sibérien, enfin j’espère…

7:45: Le départ pour le site est donné depuis l’hôtel.
9:15: J’arrive sur le lieu de la course et là… une loooooongue attente. Impossible d’avoir une information sur l’heure de l’impact!
10:22: On nous annonce que nous partirons à 11:00!
10:26: Ha… on nous annonce finalement que… C’EST MAINTENANT!!

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C’est parti et je sais plus trop ce que je fais là dehors… il fait -15 et je m’apprête à traverser un lac gelé sans y avoir été obligée… qu’est-ce qui me pousse à faire ça?
Bon, moi qui veux casser la monotonie à tout prix et qui souhaite tout le temps être mise au défi là je suis servie! Et je me rappelle que suis aussi un peu folle

Les drones survolent la ligne de départ on est tous super excités, on sent que ça va être épic, on applaudit on sourit mais on sait que ça ne fait que masquer une certaine… appréhension!
Mais la joie et le bonheur d’être là sont bien présents!

Pas de décompte pas de tout ça en Russie! Les Russes ne s’encombrent pas de détails (LoL)
Un simple Go!!! qui sort de nul part et les premiers partent comme des fous!
De mon côté aucunement l’ambition de les talonner, je vais déjà essayer de survivre et en même temps… le pourrais-je? hahaha bien sûr que non! Enfin pas encore ça viendra

Les premiers mètres me donnent une profonde angoisse, je m’enfonce dans 10 à 15 centimètres de neige à chaque foulée, j’essaie de rester concentrée et de me dire que c’est uniquement parce que c’est le début… qu’il est impossible qu’on nous fasse faire une course sur une si longue distance avec autant de neige et de crevasses et que de toute façon la dameuse est passée alors pas d’inquiétude avoir…
Mon premier kilomètre passe, j’ai une vitesse digne d’une marche nordique allure 8´, la suite du périple me prouvera que finalement j’allais plutôt vite parce que je n’atteindrais malheureusement plus cette vitesse.

Je progresse tant bien que mal, j’arrive au premier ravitaillement vers le 5ème km, je décide tout de même de m’arrêter ignorant totalement quand sera le prochain, on est loin des ravitos tous les 5 km, le visage de la femme qui me sert un thé est rougi et gonflé par le froid, j’ai presque l’impression qu’il va exploser, je comprends vite pourquoi la mini pause que je fais me glace les os le vent fouette et brûle mon visagej’avale mon thé tel un verre d’eau, je ne sens même sa chaleur…
Je reprends ma course et décide d’uniquement regarder sur ma montre les kilomètres effectués et non le temps écoulé… ça n’a de toute façon plus aucun intérêt à la vitesse où je vais ça risque plus de me démotiver qu’autre chose.

Je poursuis ma progression c’est de pire en pire, je me tords sans cesse les deux chevilles ça n’arrête plus, elles ne sont plus stables du tout et je ne cherche même plus à faire l’effort d’y faire attention, j’essaie d’aller plus vite, j’avance avec la grâce d’un cachalot, je sautille, j’essaie surtout de trouver des techniques pour progresser sans trop souffrir et me blesser davantage.
Chose incroyable mais je repense à un message reçu plus tôt le matin d’une de mes amies « Cha »

“Peu importe le résultat c’est déjà tellement incroyable que tu sois là-bas! Donne-toi à fond et surtout contemple le merveilleux paysage autour de toi…”

Alors je me suis arrêtée… et j’ai regardé autour de moi, lorsque j’ai levé les yeux un merveilleux flan de montagne, un moment hors du temps, un paysage hors du commun, je n’avais jamais vu quelque chose d’aussi beau… et surtout j’ai senti à quel point c’était bon d’avoir pris le temps!
Les kilomètres défilent et j’essaie de me dire:
“bon… il reste 1 km et tu en auras fait 15… après il t’en restera 5″
Je ne compte jamais le tout dernier… Ma petite astuce psychologique lol!

Je regarde très souvent derrière moi étant seule depuis quelques kilomètres, j’essaie de conserver cette place, cette place dont finalement j’ignore totalement le classement… mais dans mon légendaire optimisme je me dis que j’étais dans les premières.
Je double une femme !!! Youpi trop contente j’ai doublé quelqu’un!! Et puis encore un homme! J’avais l’impression de voler enfin uniquement dans ma tête parce ma vitesse sur ma montre elle ne volait pas mais alors pas du tout!
Et puis le jeu commence je suis de nouveau doublée… par deux femmes et puis un homme aussi…
Je suis déçue mais forcée de reconnaître que fournir tous ces efforts devient vraiment compliqué mais je ne lâche pas, je ne lâche rien! Je m’accroche!!!

J’arrive au ravitaillement vers le 15ème km mes petits doubleurs sont tous là  je reprends un thé que je gobe et file aussi vite que je peux. Je suis de nouveau en tête de notre petit quatuor .

Je suis trop contente un peu trop d’ailleurs, 10 minutes plus tard les 3 me passent devant de nouveau, j’essaie de les talonner mais non… je n’y arrive plus, mes chevilles me font souffrir.

Pour ne rien enlever au caractère extrême de la course une tempête de neige se lève, la température baisse considérablement, on passe à des températures ressenties entre -25 et -30 degrés avec un vent à 80km/h, le froid me brule la gorge et les bronches, mon protège visage est cartonné par la condensation immédiatement gelée au contact de l’air glacial, mes joues brûlées et gonflées, j’essaie quand même de le maintenir mais je n’y arrive pas avec mes moufles, alors j’en enlève une pour maintenir mon masque cartonné. Il me reste 4 kilos comme ça… est-ce que je vais y arriver? Abandonner? C’est même pas une question que je me pose en revanche, je me demande bien pour les personnes à qui ça traverserait l’esprit, combien ont abandonné, combien de temps avant que quelqu’un ne vienne les chercher? Des motos-neige passent, j’en ai vu à peu près toutes les 20’ à 25’ sachant que lorsque je me suis arrêté au dernier ravitaillement j’avais eu le temps de glacer sur place et j’y suis restée tout au plus 1 minute ou 2.

Kilomètre 18! Bientôt la délivrance et la que vois-je au sol?? Des ombres!
Ah ba non! non les gars!! on avait dit que plus personnes ne doublait, j’étais désemparée mais je me suis dis là, c’est le moment de faire toute la différence de se dépasser, d’arriver et d’être vraiment crevée parce que j’aurais tout donné. C’est ce que j’ai fait, j’ai accéléré autant que je le pouvais, je me suis dit avec un peu de chance ils verront ma détermination et essaieront pas de me doubler, sachant que j’essaierais de toute façon de repasser devant…
je cours aussi vite que je peux mais j’arrête pas de glisser, des morceaux de glaces pointus sortent du sol, je flippe de tomber et de m’exploser les tibias mais j’ignore pourquoi la rage a pris le dessus, et la peur je ne le l’ai plus ressenti j’ai foncé, je glissais, trébuchais, mes chevilles allaient où elles voulaient… n’importe quoi en somme,
les 3 kilomètres les pires de toute ma vie !!!
Je me répétais sans cesse lâche rien Jess, ta fille va être tellement fière de toi, ton Père ta sœur te regardent de la haut rend les fiers!!!
C’est maintenant que tu fais la différence bat-toi!
Je voyais au loin les baraquements de fortune, les tantes, les overcrafts…
C’est la ligne d’arrivée! Je vais l’atteindre, quelques mètres avant d’arriver on me fait un signe de croix avec les bras pour me signifier la fin de la course, il me faudra un peu de temps pour comprendre que la course est arrêtée!

La première fois en 14 éditions qu’ils arrêtent le Ice Marathon à cause des conditions climatiques, une chance pour moi j’ai réussi à aller jusqu’au bout de mon semi.

J’arrive, une femme prend mon temps et je tombe au sol sur les genoux puis en arrière sur les fesses, je reste à terre j’en peux plus, je pleure je suis très éprouvée. Un homme vient et me tend la main également un autre coureur un Français, Mathieu rencontré plus tôt, je vois son visage et je suis rassurée. Il me dit “reste pas là Jess vas sous la tente”, il m’accompagne, j’ai froid je pleure mes pieds sont trempés, tout le monde est bienveillant, on va me chercher un petit banc pour que je puisse m’asseoir, remise de mes émotions je vais trouver un peu de chaleur près du poêle qui dégage une odeur qui me brûle les bronches mais me procure une chaleur rassurante et réconfortante.
2 personnes ont fini à l’hôpital brûlées au 2ème degrés, un ami brûlé au 2ème degrés aussi et la joue enflée.

Je m’en sors avec un traumatisme aux deux chevilles et une démarche comme si j’étais restée bloquée en mode chasse neige… Un homme ouvre la tente et crie Ladies First!!
Au début je crois à une blague, genre les femmes et les enfants d’abord… non non c’est très sérieux, ils demandent aux femmes d’embarquer en premier dans l overcraft qui nous conduira à l’hôtel! Ils sont galants ces russes.

C’est parti pour 20Km avant de connaître enfin la délivrance, de se mettre au sec de prendre une douche chaude de se sentir de nouveau en sécurité… J’arrive à mon hôtel, on m’indique que mes bagages sont dans ma chambre j’ai presque envie de faire un câlin à la jeune femme qui me délivre ces quelques mots rassurants. Une fois dans ma chambre je partage mon expérience avec la communauté et je m’effondre littéralement avant de me poser la question… et sinon la douche on la prend ou pas?

Si vous décidez un jour de prendre le départ de cette course extrême, la préparation est à prendre très très au sérieux, même si au fond, vous n’êtes jamais prêts à vivre ça.
Si c’était à refaire? A votre avis? Je repars!

Merci à mon partenaire Bulkpowders, qui a participé à ma préparation et m’a soutenu dans ce défi complètement dingue.

Merci à ma Juliette, Jolicils, Un regard de biche qui résiste à -30 degrés et des tempêtes de neige!

Merci à toute ma famille, mes amis, ma Oly chérie qui n’est pas du tout sportive mais de loin la meilleure supportrice du monde! Ma Team LP. Tous les gens qui me suivent et me témoignent au quotidien leur soutien!

Merci à l’organisation qui a été exceptionnelle, Andrey IVANOV pour les photos.

Merci, merci et merci et oui j’en pleure encore!

Et évidemment merci à mon coach qui termine aussi premier de mon semi.

Ahhh pardon je vous ai pas dit??? Je termine Première de ce Semi!!!!
(ex-æquo avec une Russe)

Love u Guys !